
Chaque jour, trois phrases - parfois notes de travail, parfois journal intime -.
24 novembre 2025
Tu es un géant parce que, sans fatigue ni ennui, tu gardes les yeux fixés sur les lignes imprimées.

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On est assailli par des milliards d'images mêlées les unes aux autres, les photographies mentent, seules les phrases sont vraies.
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Allongé sur les eaux comme une couleur impossible, à la naissance du jour.
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23 novembre 2025
Si tes lecteurs peuvent voir ce que tu as pensé en écrivant, alors toi aussi tu es capable de voir en eux lorsqu'ils te lisent, tu vois ceux qui te voient.

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À mi-hauteur entre ciel et terre se trouve le territoire des nuages, une longue série de barques nébuleuses flottant au-dessus des maisons et des champs.
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Il te faut maintenant te consacrer à une énumération exhaustive de tous les êtres humains vivants, qui seront pour toi autant de lecteurs possibles.
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22 novembre 2025
Écris toujours à la main, les lettres ont besoin de savoir que tu les as formées toi-même.

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La page entière est vivante, elle palpite.
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Même les buis, les ifs, les charmilles, pourtant si silencieux, ont des secrets à confier, et c'est en leur nom que tu vas parler.
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21 novembre 2025
Les choses s'améliorent, tu vas plus vite, plus haut, plus loin, tu dors mieux et plus longtemps, tu comprends tout plus profondément.

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Subitement, les chaises vides sont occupées par des fantômes loufoques, de faux spectres sympathiques et hilares.
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Comment se fondre dans les phrases, dans le temps des morts puis ressuscités, dans l'espace des corps sanctifiés ?
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20 novembre 2025
Tu remontes aussi loin que tu peux pour retrouver ce que tu n'as pas voulu, pas pu, ou pas su dire, à savoir le c½ur de ce que tu es.

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Partout flotte un parfum merveilleux, mandarine et sapin, tous les Noëls du monde.
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Tu n'as même pas réalisé que tu as changé, tu crois que tu es encore le même, alors que tu es totalement différent, bien qu'identique biologiquement et juridiquement.
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19 novembre 2025
C'est le plein automne, les feuillages ont enfin lancé leur meilleur jaune à l'assaut du ciel.

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Un ami pas revu depuis trente ans te demande naïvement : "Tu écris toujours ?" Oui, il y a tellement à voir et raconter, on n'a jamais fini.
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Tout va à vau-l'eau, écarte-toi du grand mouvement global, évite les sables mouvants, ouvre ta propre route au milieu du chaos.
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18 novembre 2025
Qu'attends-tu du monde ? rien, car c'est le monde qui attend quelque chose de toi, mais pour l'instant il ne le sait pas.

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Mes plus grands fous-rires, je les ai toujours eu avec des femmes.
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Tu veux produire un décalque de ton époque, pour pouvoir en garder le seul positif, si jamais c'est possible.
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17 novembre 2025
La mémoire de chaque vivant entretient celle des morts, ils ne bougent pas, ils sont encore là, ils se tiennent quelque part, actifs et heureux.

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Ta boîte à secrets, tu dois l'alimenter, quitte à les déterrer, les ramener de très loin, ou les emprunter à autrui.
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Dans certains pays, dans certaines villes, l'existence ressemble à un bonbon permanent.
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16 novembre 2025
C'est quand tout semble calme que la tempête se prépare, on ne se méfie jamais assez de l'eau qui paraît dormir.

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Les histoires bouleversent les c½urs et changent le monde, ça a toujours été, et heureusement.
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Ce n'est pas ta faute si le ressort de ta vie est un moteur à explosions.
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15 novembre 2025
Chaque matin c'est le grand soir, le fameux départ, l'instant d'avant la résurrection des morts.

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Si tu étais plus riche, tes jouets seraient des voiliers, tu les collectionnerais.
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Parler différemment ou disparaître, tu n'as pas le choix, c'est ça ou le trépas.
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14 novembre 2025
1, 2, 3, et cetera, jamais on ne t'arrêtera.

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Mon second nom est paratonnerre, j'absorbe le feu céleste, puis je change cette foudre en désarmantes guirlandes de mots.
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Toi, tu sais quoi écrire, encore faut-il qu'il reste dans ce monde des yeux pour écouter tes phrases.
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13 novembre 2025
Tu vois un léopard bleu à tâches blanches sortir des nuages et bondir vers toi, un cauchemar et un rêve magnifique.

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Il te reste une kyrielle de romans à écrire, des livres que tu aurais déjà dû donner à lire puisque tu les as imaginés, mais l'ardeur t'a jusqu'ici manqué.
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Souviens-toi de tous ces songes que tu as faits, et qui ne se sont révélés tels qu'au réveil.
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12 novembre 2025
Chaque matin, chaque soir, tu es le premier, tu es le dernier, à guetter le soleil au bord de l'horizon.

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De quoi as-tu peur ? du manque d'argent, de temps, de lumière, de fous-rires, de belles phrases.
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Quel bazar, il paraît qu'on va tous griller, d'abord suer, ensuite se dessécher, puis rôtir sur place, rien à faire, le climat a tranché, le thermostat est cassé.
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11 novembre 2025
Les bons jours, tu découpes un soupirail dans l'épaisseur des murs, assez grand pour pouvoir t'y glisser.

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Ni vu ni connu, perdu, disparu, oublié, envolé sans un bruit.
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Oui, tu as arrêté le soleil pendant une minute, mais chut, il faudra garder ça secret.
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10 novembre 2025
La chance et la persévérance, c'est sans doute le secret, avancer et croire en la faveur du hasard.

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Le futur a des cadeaux pour toi, hors de question de les rater.
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Que sont tes amis devenus ? le vent les a emportés pendant que tu regardais ailleurs, et tu n'as rien pu faire.
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9 novembre 2025
Le jour où elles te sont nécessaires, tu trouves des forces que tu ne soupçonnais pas.

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Tes livres sont aussi des vaccins.
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Tu conserves précieusement les dates de ta vie et de la vie de ceux qui te sont chers, c'est ton code d'immortalité.
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8 novembre 2025
Quand ton esprit s'égare, souviens-toi de ramener tes pensées à ce que tu fais et tu es, ramène-les à toi.

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Fichu monde tordu, incohérent, énigmatique, successivement infernal ou paradisiaque selon l'endroit ou l'heure.
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Rire ou pleurer c'est un peu pareil, souvent tu pleures de rire, parfois même l'inverse.
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7 novembre 2025
Comment te définir ? tu es brillant, inaltérable, et très ductile, c'est-à-dire que tu peux t'étirer sans te rompre.

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Amis lecteurs, voici que j'établis une alliance avec vous, et avec vos descendants après vous.
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Étrange nuit, qui n'est jamais obscure, abyssale ou inquiétante, mais plutôt éblouissante, extatique, enchanteresse.
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6 novembre 2025
Lire te soigne, régénère tes cellules et renforce ton immunité.

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Le sommeil est un grand magicien, en quelques instants seulement il écarte le brouillard ou l'obscurité, il rouvre l'horizon.
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Tu sens bien que tu fatigues, non par l'esprit, mais par le corps, qu'il faudrait que tu ralentisses un peu, mais évidemment tu n'as pas le droit.
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5 novembre 2025
À chaque époque son thermomètre, et aujourd'hui c'est toi, plongé dans un nouveau fleuve, où aucun ne s'est encore baigné.

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L'endroit où tu te trouves, ton chemin ombragé, et la trace de tes pas, méritent certainement qu'on s'y penche un instant.
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Décidément, pensent-ils de toi, quel perdant ! il était fait pour réussir, et il a tout gâché en écrivant des romans trop courts, trop bizarres, trop intimes.
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4 novembre 2025
La nuée et le feu te guident, et ça marche, les choses vont mieux, ton sort s'améliore.

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Lire un roman, c'est trouver la vérité parce que, pour l'écrire, l'auteur a su mentir.
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Seulement le souffle du vent et le bruissement du palmier, le ciel et toi, et personne d'autre, la parfaite solitude qui te guérit de tout.
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3 novembre 2025
Le péril tourne autour de toi, mais ne t'atteint pas, voilà.

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À chaque problème sa solution, à chaque instant sa révélation.
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Tout passe, le monde se métamorphose, rien ne dure sous le ciel, et pourtant par ta constance tu demeures.
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2 novembre 2025
Le Temps dévore tout, même la pierre, seules les phrases lui résistent.

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Tu parviens à t'en sortir par miracle, tu restes à la surface, tu flottes et tu ne coules pas.
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Je ne peux pas croire qu'un jour je serai mort, et pour cause, puisque je ne mourrai jamais.
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1er novembre 2025
N'importe qui doit pouvoir utiliser ces lignes comme un très simple, très seyant, très efficace, et très doux moulin à prières.

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C'est toi l'auteur de l'histoire, tu as choisi la fin et tout se termine bien.
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Sous les phrases écrites, tu retrouves celles que tu voulais lire.
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NOTES :
- Le Carnet existe depuis 2007.
- La partie 2007-2020 du Carnet, jadis hébergée sur un blog de
Gandi.net et disparue d'Internet, est en cours d'archivage pour être
remise en ligne ici.
- Des phrases du carnet, soudées les unes aux autres, ont composé le texte du poème Le seul fou (Ed. Allia, 2024).